Une proposition de loi constitutionnelle relative à la reconnaissance du vote blanc pour les élections présidentielles (PPLC n°3896) sera examinée le mercredi 31 mars à l’Assemblée nationale. En tant que représentants du Parti du Vote Blanc, Florian Demmel et moi-même avons été auditionnés par la commission des lois afin d’apporter notre expertise au débat.
Nous connaissons bien les arguments qui plaident objectivement pour la reconnaissance du vote blanc. Outre la possibilité d’exprimer librement et pacifiquement un désaccord politique, le vote blanc est la solution la plus efficace pour lutter contre l’abstention et le vote sanction qui ruinent la crédibilité des élus. Son rôle consiste à agir comme un filtre démocratique, à cristalliser la contestation électorale sur un outil plutôt que sur un candidat et restaurer l’acte de vote dans toute sa dimension, à savoir un acte d’adhésion à un candidat ou un programme. La contrepartie est le risque d’invalidation du scrutin en cas de votes blancs majoritaires. Cette sanction est indispensable. Elle marquerait un véritable rejet lucide et éclairé d’une offre politique jugée défectueuse par les citoyens.
C’est précisément ce risque de blocage institutionnel qui a justifié le rejet de plus de cinquante propositions de loi en 30 ans. Le voilà, l’unique argument recevable interdisant sa reconnaissance. Le même obstacle, la même objection, la même crainte, années après années, projet de loi après projet de loi : l’invalidation du scrutin en cas de votes blancs majoritaires. Le problème ne se pose évidemment pas pour le premier tour. La multiplicité des candidatures garantie la tenue d’un second tour avec les deux survivants du premier. Mais faut-il reconnaître le vote blanc au second tour de l’élection présidentielle ? La question peut surprendre mais je la pose avec d’autant plus de liberté que j’ai moi-même voté blanc au second tour de 2017 et que cette position de principe a toujours été celle défendue par le Parti du Vote Blanc.
Que faut-il penser par exemple du cas de figure où, au soir du second tour, l’un des candidats obtient 48%, le vote blanc 29% et le perdant 23%. Faut-il annuler le scrutin au motif qu’aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue ? Faut-il au contraire considérer les 48% comme suffisamment légitimes pour l’emporter ? On parlera alors de majorité relative, ce qui implique la modification de la constitution.
Il convient également de ne pas négliger le risque d’instrumentalisation dont le vote blanc pourraient être l’objet. Au second tour du scrutin, les candidats déchus du premier tour pourraient en effet lancer un appel au vote blanc à des fins purement politiciennes. Dans une forme de jusqu’au-boutisme revanchard, ils détourneraient le vote blanc à leur profit afin d’empêcher le bon déroulement du second tour et la victoire légitime d’un des finalistes. Ce qui n’était qu’un outil de mesure deviendrait alors un instrument de blocage des institutions.
Les chiffres de la présidentielle 2017 prouve que le risque est bien réel. Avec un nombre de voix cumulées de 19.719.557 électeurs, les neuf candidats éliminés au 1er tour obtiennent un nombre de votes supérieur aux 16.334.837 voix obtenues par les deux finalistes. Ce cas de figure n’a rien d’exceptionnel. En 2002, les 18.028.694 voix des perdants du premier tour étaient presque deux fois plus nombreuses que les 10.470.793 votes de Chirac et Le Pen réunis. En ajoutant à ces chiffres ceux des votes blancs et la part non négligeable d’abstentionnistes qui utiliseraient un bulletin blanc pour exprimer leur désaccord, on comprend vite que le seuil de 50% synonyme d’invalidation serait facilement atteint. Telle est la cruelle réalité de l’arithmétique.
Sommes-nous prêts à accepter que le vote blanc soit l’objet d’un calcul partisan au service de politiciens sans scrupules qui chercheraient à rejouer le match perdu ? Devons-nous nous obstiner à défendre une position de principe, au risque que les difficultés qu’elle pose légitimement au second tour continuent à servir de prétexte pour empêcher un véritable débat de fond sur le modalités de sa reconnaissance ? Faut-il au contraire adopter une approche pragmatique qui permette au vote blanc de remplir son rôle plein et entier de filtre démocratique dès le premier tour ?
Le vote blanc intégré au calcul des suffrages exprimés est plus que nécessaire ; il est indispensable. Sa reconnaissance pour le premier tour marquerait déjà un véritable premier pas historique pour notre démocratie car, faut-il le rappeler, si les candidats sont nuls, incompétents, voleurs, menteurs ou dangereux, il est inutile d’attendre le second tour pour s’en rendre compte. Dès lors, en écartant volontairement – et provisoirement – du débat la question du second tour, rien, absolument rien, n’empêche sa mise en oeuvre pour le premier tour du prochain scrutin présidentiel.
C’est la proposition que nous avons formulé à la commission des lois.